Immobilier : Alain Kouadio, l’entrepreneur qui vient de très loin
Heure de publication : 09:30 - Temps de lecture : 7 min 54 s
Alain Kouadio, président du Groupe Kaydan. – © Alain Kouadio.
Cireur de chaussures, danseur en boîte de nuit, vendeur de bouteilles cassées, de jeans et de polos, 82 demandes d’emploi sans suite. Alain Kouadio a connu plusieurs échecs dans sa vie. Mais ce qui fait sa force, c’est qu’il n’abandonne jamais. Aujourd’hui, il gère sa propre entreprise immobilière, le Groupe Kaydan, qui n’est plus à présenter en Côte d’Ivoire. Un vrai modèle de réussite. Récit.
Texte par : Vincent Toh Bi Irié
Les gens croient souvent qu’il n’y a aucun mérite à réussir dans la vie où à rayonner dans ce que l’on fait, si l’on est issu de familles riches, de milieux bourgeois ou aisés. Cela n’est pas du tout vrai. Il est même très difficile de poursuivre une tradition familiale de noblesse, de richesse, de bourgeoisie ou d’aisance. Par ailleurs, dans les familles de la haute société, il y a des réalités et des difficultés que les autres ne comprennent ni n’acceptent pas toujours.
La pauvreté n’est pas une vertu. La misère n’est pas une gloire. Dieu a créé l’Homme pour qu’il soit heureux et non pas pour qu’il soit misérable ou démuni. Justifier un succès par ses origines pauvres n’est ni un enseignement ni une gloire, mais réussir en bravant des obstacles et des difficultés est ce qui donne plus de mérite à une histoire.
Suivez cette histoire d’Alain Kouadio, qui en est une illustration. Alain Kouadio peut se dire descendant de la haute société, en raison des fonctions qu’occupait son père, mais il a éprouvé la vie ordinaire d’un enfant de Côte d’Ivoire. Son père a 24 enfants dont lui. Il vit avec son oncle à Gagnoa jusqu’à l’âge de 11 ans et avec sa grand-mère dans une situation sociale modeste jusqu’à 16 ans. Il a trimé, il a bourlingué, il a douté, il a eu son lot de souffrance avec à la solde un parcours scolaire chaotique. Alain échoue au CM2 à Gagnoa. Il reprend sa classe et obtient son entrée en 6ème. Au Lycée Classique, il échoue au Bac Probatoire et reprend la Première C. Il échoue encore au Bac C et reprend sa classe. 3 échecs en parcours primaire et scolaire.
Alain Kouadio est un petit danseur de disco au CEG (Collège d’Enseignement Général) de Dimbokro, le type de collège où on affectait les élèves trop vieux pour leurs niveaux. Avec son « sky » acheté dans les friperies à Abidjan grâce à son ami John Moïse, il tape dans l’œil des jeunes filles du Collège. Il a un petit groupe de danseurs dans la ville, qui fait des démonstrations dans des fêtes pour un sérieux cachet de 5.000 frs. Ni manager, ni imprésario, ni agent. Les gars arrivent et se mettent à se trémousser. Comme ils ont des parents à Abidjan, on les prend pour des branchés. Parallèlement, Alain est petit cireur, il a sa petite boîte avec laquelle il traîne dans les gares de Dimbokro pour cirer les chaussures des voyageurs.
Un jour, en pleine prestation de disco la nuit dans l’un des espaces branchés de Dimbokro, appelé « l’Apatam », lui et son groupe sont raflés par la Police et conduit au violon jusqu’au matin ; vous vous rappelez les « opérations coup de poing ». Le père d’Alain, un haut cadre dans l’administration, comprend qu’il faut lui donner un peu d’argent pour le rendre autonome, sinon le disco perdra son fils. Alain obtient le BEPC et quitte Dimbokro pour le Lycée Classique à Abidjan. Mais avant le Collège, Alain fréquente l’Ecole Primaire Publique (EPP) Marché à Gagnoa. Il habite au quartier SODERIZ. Sa petite débrouillardise est congénitale. Avec ses copains, ils ramassent des bouteilles dans les poubelles de la ville qu’ils revendent à SOLIBRA à 25 frs l’unité. Quand arrive la saison, ce sont les fruits rouges appelés « pomme d’eau » qu’il ramasse et vend au marché.
Le voilà au Lycée Classique d’Abidjan, en seconde C. Il y a beaucoup d’enfants de bonne famille et frimeurs en plus, qui dérobent les voitures de leurs parents absents ou endormis pour aller faire leurs week-ends endiablés. Mais il y a eu dans un passé récent des accidents retentissants qui ont alimenté les colonnes de la maigre presse d’Abidjan de l’époque et radiotrottoir. A l’époque, on avait de la vertu dans la haute société, on n’aimait pas que les enfants salissent le nom de la famille par de mauvais comportements. Les parents sont donc devenus vigilants et surveillent leurs enfants et leurs voitures. Alain Kouadio y voit une opportunité. Il commence un nouveau business les jeudis et les week-ends. Il se rend sur le parking de l’Hôte Ivoire à l’époque fréquentés par de nombreux touristes, s’entend avec les locations de véhicules Lancer F et sous-loue. Il prend des véhicules à 25.000 frs et les loue à ses amis de lycée à 30.000 frs la journée pour les week-ends. Ça s’appelle faire du business-étude.
Le jeune Alain obtient son BAC C à 20 ans et rentre à l’Université d’Abidjan au Département de Physique-Chimie où il obtient la Licence en Physique. L’âge où certains ont un Doctorat ou un Master est l’âge où lui il rentre à l’Université. Au Campus, Alain poursuit ses petites affaires, décidément. Il vend à ses amis les jeans 501 très à la mode à l’époque (sans lesquels vous êtes sûrs de n’avoir aucune petite copine branchée) et des polos Lacoste. Malgré son activité de commerçant, il a une bonne progression dans les sciences. Son père, désirant le meilleur pour lui, l’envoie au Canada poursuivre ses études. Il rentre à l’Université de Sherbrooke au Canada où il obtient une Maîtrise en Physique du Solide en 1994. Entre temps, la fameuse dévaluation du franc CFA intervient. Quelques années avant, son père est parti à la retraite. Il n’y a plus suffisamment d’argent. Il se débrouille pour obtenir une bourse et enchaine avec une autre Maîtrise en Administration des Affaires, qu’il obtient en 1996 à l’Université de Moncton, dans le Nouveau-Brunswick, toujours au Canada. Quand il a ses deux Maîtrises en poche en 1996, il décide de rentrer en Côte d’Ivoire. Il est confiant comme il a deux excellents diplômes. Du Canada, il fait des demandes d’emploi à des entreprises ivoiriennes. Au bout de quelques mois, ce sont environ 82 demandes d’emploi qu’il a faites, sans aucune réponse. C’est alors qu’un ami, Franck Nangbo, lui tend la perche et le fait rentrer. Franck Nangbo est Directeur à KPMG et la compagnie cherche à mettre en place un département conseil. Ils cherchent un profil de scientifique doublé de gestionnaire. Alain a le profil. Il obtient le poste et rentre en Côte d’Ivoire. Au bout de 1 an à KPMG, il manque de se faire virer pour insuffisance de résultat. Il ne se retrouve pas.
Un jour, alors qu’il va rendre visite à son ami Franck Nangbo, absent, il engage une conversation avec la mère de son ami, une femme d’affaires. Il lui confesse qu’il ne se retrouve pas dans ce travail alors qu’il travaille selon lui « de 8h à 18h ». La mère de son ami lui répond : « Essaie donc de travaille de 07h à 20h pour voir si ça va aller ». Alain est surpris par un conseil aussi simple qui ressemble à du dédain. La semaine qui suit, il change ses horaires de présence au bureau. Il arrive à 06h45 et ne part pas avant 22h30. Il le fait ainsi sur 6 ans à KPMG et cela marche. Il a commencé Consultant Junior et finit à la tête du Département Conseil, sous la supervision d’un patron français Jean Claude Parent, le DG de KPMG CI, qui lui apprend une extrême rigueur dans le travail. Il démissionne de KPMG et intègre le GPP (Groupement des Professionnels de l’Industrie du Pétrole) en 2003 en qualité de Secrétaire Général, suite à un grand entretien devant tous les Directeurs Généraux des sociétés pétrolières de Côte d’Ivoire. Quand il est recruté au bout d’un processus ayant vu 300 candidats au CV parfait, il rentre sous la protection d’une personnalité mythique dans le monde des affaires en Côte d’Ivoire, qui le motive et influence tous les aspects de sa vie : Mathieu Kadio-Morokro.
Il commence à militer dans le Patronat ivoirien, où il devient Vice-Président de la Commission Economie et Finances.
En juin 2010, il démissionne de GPP et rejoint une entreprise
Tout part d’un business plan qu’il élabore pour un jeune Architecte Libanais, qui lui demande de prendre des parts dans l’entreprise. Hésitant au départ , il y prend des parts minoritaires avant d’accroître sa participation et d’en devenir un des principaux responsables. Cette entreprise, Archibo Design connaît du succès et une croissance trop rapide avec beaucoup de clients. Et ce qui devait arriver arriva : délais de livraison non respectés, malfaçons, mauvais traitements des clients , etc. Malgré son succès, l’entreprise ferme boutique 5 ans plus tard. S’inspirant de son échec, Alain Kouadio relance le groupe KAYDAN avec difficulté et réussit à se mettre à flots. Il est Administrateur du Patronat en 2012, puis en devient le Vice-Président en 2016 aux côtés d’une personnalité légendaire qui le prend comme son ami et son fils et qu’il appelle « petit papa » : Jean Kacou Diagou. En 2012, il est fait Président de la CGECI Awards (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire). La même année, il est Trésorier Général de la FOPAO (Fédération des Organisations Patronales de l’Afrique de l’Ouest).
Aujourd’hui Alain Kouadio est Président du Groupe Kaydan qui a, au total, 9 filiales dans le Pôle Immobilier et le Pôle Technologie. En résumé, l’Ivoirien Alain Kouadio à la tête du Groupe Kaydan a pu avec sa compagnie mettre 1.000 maisons et appartements de haut et moyen standing sur le marché ces dernières années et est en train de construire par différents programmes 1.200 nouvelles maisons. Kaydan, c’est également 25.000 résidences raccordées à la fibre optique. C’est le fournisseur exclusif des Nœuds de Raccordement Optique (NRO) et le constructeur du premier Parc à Mini-Data Center en Afrique de l’Ouest. En français simple sur cet aspect technique, si votre maison ou votre bureau ont l’internet haut débit, il y a de forte chance que vous soyez en train de consommer des produits Kaydan. Si vous êtes dans une belle résidence uniformisée à Abidjan, il se peut que ce soit une maison Kaydan. A Bassam, Kaydan est en train de construire une ville intelligente de 644 maisons, sur 30 hectares avec un Centre commercial de 40 boutiques, 2 écoles primaires, un poste de Police.
Alain Kouadio, c’est un nom qui s’impose dans le paysage des affaires en Côte d’Ivoire et dans le style de logement, pendant qu’il continue d’étudier : Diplômé de Harvard depuis 2018 et en train de faire un Doctorat en Economie. Le petit cireur et danseur de disco de Dimbokro, le vendeur de bouteilles cassées, le vendeur de jeans et polos, qui a échoué au CM2, en Première et en Terminale et qui a failli se faire virer d’une grosse firme est devenu un entrepreneur de renom. Un vrai modèle pour la jeunesse. A la tête de Kaydan Fondation, il fait de la motivation, de l’encadrement et de la formation de la jeunesse avec d’autres grands noms (Drogba, Jil, Stanislas, Stéphane, Marc, Fabrice, Ismaël, Jean Luc, Fatim) à travers la Fondation KAYDAN qui fait une caravane trimestrielle. Il attribue des bourses à des étudiants, soutient des étudiants en spécialisation à l’étranger et est en phase de création d’une nouvelle branche de spécialisation supérieure.
Moralité : La vie est une succession de cycles dans laquelle les opportunités peuvent ne plus revenir. Il faut frapper fort et juste au bon moment. Jeunes de Côte d’Ivoire et d’Afrique, Alain Kouadio vous dit : réveillez-vous, rien n’est jamais perdu. Vous n’êtes jamais assez vieux ni assez jeunes pour réaliser vos rêves et vos ambitions.