Changement climatique : la pluie sur commande pour sauver les productions agricoles au Bénin
Un champ de coton au nord du Bénin. La commande de la pluie permet de sauver les productions agricoles.
Texte par : Ama Sègnon
Est-il possible de créer de la pluie ? La réponse est bel et bien oui. C'est bien possible de faire la pluie. En Afrique en général et au Bénin en particulier, la pluie provoquée artificiellement est une réalité. Face à la rareté de la pluie, les lois de la nature sont défiées pour s'assurer une météo conforme aux besoins pressants. La finalité est de sauver les productions agricoles dans certaines régions de ce pays d’Afrique francophone. Enquête.
Plusieurs pays africains sont touchés par la sécheresse. Le cycle des saisons de pluies est en proie à des perturbations qui étendent la durée des périodes de sécheresse. Par endroit, la savane verdoyante cède du terrain face à un sol aride devenu le cauchemar des cultivateurs à travers le continent. En cause, le changement climatique. Irrégularité des pluies, terres arides, productions agricoles qui s'amenuisent, risques de famine, etc. Autant de problèmes auxquels doivent faire face les populations rurales vivant en marge des progrès technologiques.
Face à cette situation préjudiciable notamment au secteur agricole, des communautés ont eu l'idée de mettre à contribution "la science sacrée africaine". Sur ce continent de mystère où l'homme a le pouvoir mystique de négocier avec l'invisible, la tradition propose une méthode artificielle pour provoquer la pluie, la faire descendre y compris contre son propre gré. Il s’agit tout simplement de contraindre les nuages à libérer leurs gouttes.
Au Bénin, la commande de la pluie se fait par des incantations divines et cérémonies traditionnelles. Appelé "Dji didon", littéralement tirer la pluie, ce rite est une véritable institution cultuelle au Bénin, ancien Dahomey et terre mère de la spiritualité vodoun. L'efficacité du "Dji didon" fait consensus au point de bénéficier d'un avis favorable de la part des pouvoirs publics qui, en période de sécheresse, en font souvent appel, au bénéfice des zones de culture cotonnière. Des prières sont dites dans des églises et des rituelles organisées dans les convents pour faire appel à la pluie.
Recueillis auprès des populations, les témoignages ne laissent aucun doute sur l'effectivité de cette originalité que d'aucun n'hésite plus à qualifier de « météo locale » ou de « technologie traditionnelle ». Fréquente au sud et au nord du Bénin, la pluie provoquée par volonté humaine est la réponse apportée par la tradition au problème de rareté des pluies dû au dérèglement climatique. « La pluie sur commande nous rend heureux, c'est fantastique ! », témoigne un producteur de coton à Banikoara, au nord du Bénin.
Solutions alternatives
Le débat sur l'efficacité réelle ou supposée de la commande de la pluie ne se pose pas, puisque les agriculteurs et plus largement les communautés y croient. Il serait par contre plus utile de questionner les insuffisances probables de cette pratique dont l'impact réel reste circonscrit à certaines localités. Par ailleurs, elle semble assez dérisoire au regard d'une situation de stress hydrique qui inexorablement gagne du terrain et contraint les agriculteurs soit à l'abandon de leurs terres soit à accepter des récoltes qui se réduisent comme une peau de chagrin.
Cette tradition, si elle témoigne de l'extraordinaire résilience des peuples qui la pratiquent, ne peut pour autant faire office de panacée. Endiguer à long terme et plus efficacement les effets néfastes de la sécheresse nécessite en réalité un investissement plus important dans les techniques d'irrigation. Associée par exemple à l'intelligence artificielle, l'irrigation peut grandement aider les agriculteurs africains confrontés au manque d'eau pour arroser les cultures.
Au Niger et au Burkina Faso, pays voisins du Bénin, des expérimentations à cet effet produisent déjà des résultats remarquables et font de ces deux pays sahéliens, donc semi désertiques, des producteurs de vivriers divers et variés.
Pour le Bénin, s'inspirer du Niger et du Burkina Faso, sans renoncer à ce qui fait l'originalité de ses traditions, peut être la voie du futur et du progrès pour des milliers d'agriculteurs confrontés aux affres du réchauffement climatique.