La mobilisation citoyenne et participative des populations a permis de doter le village de Niaouli d’une adduction d’eau villageoise. – © Notre Voix.
Texte par : Léonce Houngbadji
L’accès à l’eau potable est un droit humain vital. Au Bénin, malgré les efforts des différents gouvernements, plusieurs localités sont toujours privées de ce droit fondamental. A Niaouli, un village situé dans la commune d’Allada, sur le territoire du département de l’Atlantique, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Cotonou, les populations ont su prendre leur destin en main.
Mise à disposition d’un domaine à titre gratuit, implication active dans les démarches administratives, cotisations pour contribuer à la réalisation du projet. Sages, notables, jeunes, femmes et cadres natifs du village ont mis la main à la poche et donné de leur temps pour concrétiser leur rêve : avoir accès à l’eau potable. « Chacun a apporté sa pierre. Ce qui a permis de mobiliser les fonds nécessaires et de s’approprier le projet. Au début, c’était d’abord un forage qui avait été construit et après l’ouvrage proprement dit. Nous avions suivi des formations spécifiques pour apprendre à bien l’entretenir et à le gérer », explique Sébastien Adjidokoun, qui a travaillé sur le projet implanté précisément à Niaouli-Tanta.
Cette stratégie de mobilisation citoyenne et participative pour avoir accès à une source sûre d’eau potable a permis de doter ce village d’un château d’eau moderne avec un système d’adduction d’eau villageoise (AEV), qui a coûté « beaucoup d’argent », à en croire les confidences de Sébastien Adjidokoun. « Il y avait un fermier qui gérait l’AEV, mais aujourd’hui, c’est la mairie d’Allada qui s’en occupe », précise une source locale.
« Les populations locales ne recevaient que des promesses des pouvoirs publics. L’attente durait, la souffrance s’aggravait. Elles ont alors décidé de prendre les choses en main. Leur volonté et détermination ont donné des résultats probants », confie un responsable local. « La technique participative pour la gestion locale de l’eau par les citoyens eux-mêmes fut une grande première. Ils ont compris que s’ils attendaient l’Etat central pour avoir accès à l’eau potable, ils attendront plus longtemps avec des conséquences encore plus dramatiques sur leur santé, puisque l’eau qu’ils buvaient n’était pas propre », poursuit-il.
Cette adduction d’eau villageoise représente un « bijou » joyeusement entretenu et protégé. Les populations ont retrouvé le sourire. C’est devenu leur chose, une source de fierté locale car elle est très utile au développement local. Le village est devenu, aujourd’hui, un exemple en matière d’initiatives citoyennes et participatives pour atteindre les Objectifs du Développement Durable (ODD). Et cela, grâce à cette innovation locale, qui fait tache d’huile dans d’autres localités du Bénin où les populations ont compris qu’elles peuvent trouver les solutions justes et durables à leurs besoins fondamentaux sans attendre forcément que l’initiative vienne des autorités gouvernementales dont les bureaux sont situés à des dizaines de kilomètres.
Acquis
La pérennisation du service d’eau par un suivi régulier, l’assistance à la formation des personnes identifiées pour la gestion des installations, la sensibilisation et la mobilisation des populations par la mise en place d’un dispositif d’intermédiation sociale et leur implication dans le cadre d’un processus de gouvernance de proximité et l’implication active de la mairie pour une meilleure gouvernance sont autant d’acquis enregistrés. Cela renforce la solidarité et la fraternité entre les populations et les encourage à continuer à se mobiliser pour relever d’autres défis sociaux, comme l’aménagement des pistes rurales et la contribution à la réalisation d’infrastructures sanitaires et éducatives.
Avant la construction de cette AEV, les femmes faisaient stoïquement le marathon quotidien en quête d’eau potable. Des kilomètres à pied chaque jour. En janvier 2016, un fils de la localité finança entièrement la réhabilitation de la « pompe immergée », tombée en panne, en offrant 2,5 millions de F CFA à la population, environ 4.000 euros. Cela permit aux habitants de continuer à s’approvisionner en eau potable jusqu’à aujourd’hui.
Dans les régions reculées du Bénin, un seul point d’eau change le quotidien de milliers de personnes, préserve des vies, change le destin des gens. En plus d’être une source d’eau, c’était une source d’espoir. Le visage illuminé des jeunes et des femmes qui rentraient heureux avec des bassines d’eau potable, éclairait plus d’un. « J’ai été très touché par la souffrance de mes parents. Plus touché lorsque je vois certains pleurer juste parce qu’ils ont accès à l’eau potable. Auparavant, tout le monde buvait ici l’eau sortie du cours d'eau appelée Ava. Elle n’est pas du tout potable. C’est dans cette même source que les gens prenaient leur douche et lavaient leurs habits. Grâce à cette AEV, nous sommes à l’abri de certaines maladies », témoigne Alain, un habitant du village. « Notre village n’a pas accès à l’énergie électrique. Du coup, nous sommes obligés d’utiliser une motopompe, qui prend du gasoil, pour faire tourner cette source d’eau potable », fait observer Sébastien Adjidokoun.
Atteindre les ODD
« 70 % de la population béninoise a accès à des sources d’eau potable améliorées », selon le gouvernement. « Depuis 2016, nous avons donné accès à l’eau à près de 900 000 personnes dans les villes. À l’horizon 2021, grâce aux travaux en cours, plus de 2 millions de Béninois supplémentaires auront accès à l’eau potable en ville », annonce Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État chargé du Plan et du Développement. « En milieu rural, six projets structurants sont en cours, qui incluent près de 200 forages à gros débit et 110 chantiers d’adduction d’eau dans les villages, dont 24 seront livrés en avril, qui alimenteront plus de 223 500 personnes. L’objectif est d’approvisionner en eau potable 4,5 millions de personnes supplémentaires dans les campagnes d’ici à 2021 », révèlent d’autres sources. Mais malgré ces chiffres, annonces et assurances, qui restent à vérifier sur le terrain, force est de constater que, dans les villes et campagnes, il reste encore d’importants efforts à consentir pour atteindre les ODD en matière d’eau propre et d’assainissement. Car beaucoup de citoyens dans ce pays d’Afrique francophone sont toujours privés des services de base.