Gabriel Agbahonou : « "INJUSTICE" est un film long métrage qui dénonce et combat l’injustice »
Heure de publication : 13:46 - Temps de lecture : 4 min 34 s
Gabriel Agbahonou, acteur, réalisateur et producteur.
Propos recueillis par Elliot Djodji
Né le 27 décembre 1985 à Ouidah, au Bénin, Gabriel Agbahonou sort major de sa promotion à l’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel (ISMA) et premier du Bénin, toutes filières confondues, au Brevet de Technicien Supérieur (BTS) en 2008. Il monte sa boîte de production et réalise quelques publicités et magazines pour des entreprises ainsi que des documentaires de commande. Il écrit et produit quelques courts métrages fictions nominés au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) dont "Nouvelle chance" et "Remember the time" de Zul Kifli Lawani, diffusés sur TV5 Monde. En 2016, Gabriel Agbahonou signe un contrat avec la Loterie Nationale du Bénin (LNB) pour assurer la création de contenus et la mise en boîte de ses émissions télévisées, magazines et spots publicitaires. Il a été 2ème assistant réalisateur sur le film "L’Orage africain" de Sylvestre Amoussou, qui a remporté le prix d’Etalon d’argent au FESPACO 2017. En 2020, il réalise "Une année de chiffres", un film court métrage d’espionnage. "Injustice" est le titre de son nouveau film bientôt projeté en salles ! Précisions dans cet entretien exclusif.
"INJUSTICE" est votre premier long métrage. Qu’est-ce qui a inspiré ce film ?
Tout d’abord, "Injustice" raconte une histoire dans laquelle se mêlent drame, suspens et action. J’ai toujours pensé que l’injustice est l’un des principaux maux qui minent particulièrement le continent africain. Ce phénomène est à la base de beaucoup d’inégalités flagrantes observées aujourd’hui dans notre société. Et si l’on n’y prend pas garde, il peut conduire à la haine, à la vengeance et pire au terrorisme et à la guerre. C’est ce qui m’a motivé à écrire et produire ce film car pour moi on n’en parle pas assez.
En écrivant ce film, j’avais constamment à l’esprit cette pensée de l’écrivain ALBERT CAMUS : « J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice. Il fallait donner sa vie pour la combattre ». Ici l’auteur encourage le combat contre l’injustice qui ne devrait pas se limiter qu’au verbe mais beaucoup plus à l’action même s’il faut y perdre son âme. Mais le même auteur nous dit plus loin : « Quand l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il fait un pas sur la terre de l’injustice. » La question qu’on pourrait se poser ici est comment combattre l’injustice par tous les moyens sans rentrer soi-même dans ce cercle vicieux de l’injustice. J’ai essayé de construire l’intrigue principale du film autour de ce paradoxe et c’est là toute la particularité de ce long métrage.
Comment s’est déroulé le tournage ?
Entreprendre un projet tel que "INJUSTICE" avec une jeune équipe de production aussi passionnée que dévouée est un défi que nous avons décidé de relever. Et c’est cette motivation qui a conduit notre équipe dans 03 pays différents. Nous avons tourné au Bénin (majoritairement), en France et au Togo. C’est une expérience qui a été très enrichissante pour toute la production.
Dans ce film, nous avons voulu montrer une Afrique un peu plus moderne qui se bat pour se relever après plus de 400 ans d’esclavage pour certains pays sans oublier les enjeux et les défis qui font son quotidien.
"INJUSTICE" accorde une large place aux personnages et aux dialogues. Quelle était l’ambition à l’origine du projet ?
L’art du dialogue m’intéresse depuis quelques années à plus d’un titre. C’est vraiment fastidieux d’écrire de bons dialogues et moi, je suis de nature à aller vers le genre qui semble le plus difficile. L’autre défi, c’était d’écrire des dialogues qui révèlent des questions qui touchent à la municipalité, le nouveau type de gestion décentralisée des pouvoirs publics dans les Etats africains. Ce n’est pas un secteur que je maîtrise vraiment, mais comme je tenais à mettre en lumière le sujet, nous avons eu donc recours à des experts qui nous ont aidés à travailler ces lignes.
J’ai ressenti le besoin d’écrire une histoire ambitieuse et susciter des émotions précises. Et c’est le moment de remercier la providence qui m’a fait bénéficier de la contribution du travail d’acteurs et collaborateurs de qualité. Aux séances de répétitions, j’ai essayé de cerner le profil psychologique des acteurs quant à leur flexibilité et leur capacité à assimiler les rôles. Il arrive même que j’accepte quelques suggestions de leur part. Mais une fois, le tournage démarré, je suis devenu plus exigeant avec eux et plus précis. Et souvent, ils me le rendent bien car la majorité d’entre eux aiment être dirigés. Ça les rassure que le réalisateur sache exactement ce qu’il veut.
En vérité, je vous le dis, c’est une expérience que je ne suis pas prêt de recommencer. Dieu sait combien de fois ça a été épuisant. Mais cela n’a pas été par choix. Nous avons fait un casting et, avec le directeur de casting, nous n’avions pas eu un postulant assez convaincant pour le rôle de Isaac. Les coproducteurs ayant vu mes rôles dans certains courts métrages et publicités par le passé, m’ont convaincu de jouer le personnage de Isaac. Je voulais avant tout que cette proposition soit objective. Mais plus je travaillais ce personnage, plus je devenais le « Isaac » que je recherchais. "INJUSTICE", c’est mon bébé et je devais être assez rigoureux envers moi-même.
Dans le film, on peut voir la cohabitation de différentes religions. Quel message voulez-vous faire passer ?
Je suis convaincu que la cohabitation pacifique entre les religions est un bien inestimable pour la paix. Dans ce film, nous avons créé une fraternité faite de plusieurs religions dans un climat de respect et de confiance réciproque. Cela acquiert une importance spéciale à notre époque où le sens religieux authentique est travesti par des groupes extrémistes, et où les différences entre les diverses confessions sont déformées et instrumentalisées, en en faisant un dangereux facteur d’affrontement et de violence. Dans ce récit, des frères musulmans ont recueilli un chrétien dans une mosquée et une image forte qui m’a toujours marqué l’esprit est celle de la prière du chrétien sur le chant du muezzin.
Comment avez-vous abordé les scènes de cascades ?
J’ai travaillé en amont avec plusieurs associations de motard. J’ai partagé ma vision avec eux et on a évalué ensemble ce qui était possible de faire ou pas. Il y a eu des scènes très intenses notamment celle de la course poursuite d’une fourgonnette de police par des motards sur l’autoroute de l’aéroport. Cette grosse logistique déployée ne nous a pas épargnés de grands moments de stress et de palpitations face à ces motos en furie. Le coordonnateur de cascades nous a souvent rassurés et on ne pouvait que croiser les doigts pour que tout se passe bien. Après tout, ce sont des professionnels.